Théorème de modularité

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Le théorème de modularité[1] (auparavant appelé conjecture de Taniyama-Weil ou conjecture de Shimura-Taniyama-Weil ou conjecture de Shimura-Taniyama) énonce que, pour toute courbe elliptique sur ℚ, il existe une forme modulaire de poids 2 pour un sous-groupe de congruence (en) Γ0(N), ayant même fonction L que la courbe elliptique.

Une grande partie de ce résultat, suffisante pour en déduire le dernier théorème de Fermat, a été démontrée par Andrew Wiles. S'inspirant de ses techniques, Christophe Breuil, Brian Conrad, Fred Diamond et Richard Taylor ont traité les cas restants en 1999.

Ce théorème est un cas très particulier de conjectures énoncées par Robert Langlands reliant motifs et représentations automorphes.

Énoncé[modifier | modifier le code]

La (partie affine d'une) courbe elliptique E définie sur ℚ (le corps des nombres rationnels) est donnée par une équation du type

où les coefficients sont des entiers. On peut choisir une telle équation minimale (c'est-à-dire que le discriminant est minimal).

Si p est un nombre premier, on peut réduire modulo p les coefficients de cette équation minimale définissant E ; pour toutes les valeurs de p, sauf un nombre fini, l'équation réduite définit une courbe elliptique sur le corps fini Fp. L'équation réduite a np solutions[note 1]. On peut alors considérer la suite ap = p – np qui est un invariant important de la courbe elliptique E.

Par ailleurs, une forme modulaire donne aussi naissance à une suite de coefficients. Une courbe elliptique telle que la suite des ap est en accord avec celle obtenue à partir d'une forme modulaire est appelée modulaire. Le théorème de modularité prédit que :

« Toutes les courbes elliptiques sur ℚ sont modulaires. »

Son histoire[modifier | modifier le code]

Une version faible fut énoncée par Yutaka Taniyama en , au cours d'une session de problèmes lors d'une conférence à Tokyo : il demanda s'il était possible de trouver une forme dont la transformée de Mellin donnerait la fonction L de Hasse-Weil de la courbe elliptique. Dans une série d'articles, Gorō Shimura construisit pour chaque forme modulaire dotée de bonnes propriétés (en particulier de poids 2 et à coefficients rationnels) une courbe elliptique adéquate, c'est-à-dire qu'il établit la moitié du dictionnaire entre « elliptique » et « modulaire ». Taniyama se suicida en 1958.

Cette conjecture fut reformulée par André Weil dans les années 1960, lorsqu'il montra que la modularité résulterait de propriétés simples sur les fonctions L de Hasse-Weil[note 2]. Cette formulation rendit la conjecture plus convaincante et le nom de Weil lui fut longtemps associé, parfois de manière exclusive[note 3]. Elle devint aussi une composante importante dans le programme de Langlands.

Dans les années 1960, Yves Hellegouarch avait étudié les propriétés de courbes elliptiques associées à des contre-exemples au dernier théorème de Fermat. Reprise dans les années 1980 par Gerhard Frey, cette idée permit à Ken Ribet de démontrer que la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil pour ces courbes « de Hellegouarch-Frey » impliquait le dernier théorème de Fermat. En 1994, Andrew Wiles, avec l'aide de son ancien élève Richard Taylor, démontra un cas particulier de la conjecture (le cas des courbes elliptiques semi-stables), qui suffisait pour la preuve du dernier théorème de Fermat[2].

La conjecture complète fut finalement démontrée en 1999 par Breuil, Conrad, Diamond et Taylor en s'appuyant sur les idées de Wiles.

On peut en déduire un certain nombre de résultats dans la lignée du dernier théorème de Fermat. Par exemple : « aucun cube n'est la somme de deux puissances n-ièmes premières entre elles avec n ≥ 3 ».

En , Wiles partagea le prix Wolf avec Robert Langlands. Bien qu'aucun des deux n'ait démontré la conjecture complète, il fut reconnu qu'ils avaient établi les résultats clés menant à sa démonstration.

La conjecture de modularité de Serre sur les représentations galoisiennes dans GL(2q), dont lui-même avait montré qu'elle entraînerait celle de Shimura-Taniyama-Weil et (directement) le dernier théorème de Fermat (ainsi que plusieurs variantes), a été démontrée en 2005 par Chandrashekhar Khare et Jean-Pierre Wintenberger en se fondant sur les travaux de Wiles. Ils démontrèrent le cas général en 2008.

Annexes[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La courbe elliptique réduite a donc np + 1 points, en comptant le point à l'infini.
  2. Plus précisément de ce que les fonctions L d'une famille de courbes elliptiques déduites de celle de départ admettraient un prolongement analytique à tout le plan complexe et vérifieraient une équation fonctionnelle liant leurs valeurs en s et leurs valeurs en 2-s, voir A. Weil, Collected Papers, vol. 3, p. 165. De telles propriétés, analogues à celles de la fonction zêta de Riemann, étaient attendues pour toutes les fonctions L.
  3. Le mathématicien Serge Lang mena une campagne active au moment de la preuve de Wiles pour éliminer le nom de Weil de l'énoncé de la conjecture, voir son article dans la Gazette des mathématiciens ainsi que les références qui s'y trouvent. Une présentation mesurée du rôle de chacun se trouve dans l'exposé de Jean-Pierre Serre à Bourbaki en 1994.

Références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Modularity theorem » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Álvaro Lozano-Robledo, Elliptic Curves, Modular Forms, and Their L-Functions, AMS, (lire en ligne), p. 140
  2. Voir l'exposé de Serre cité plus haut et, pour plus de détails Yves Hellegouarch, Invitation aux mathématiques de Fermat-Wiles [détail des éditions]

Bibliographie[modifier | modifier le code]