Hackathon

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
HackTX en 2012 ; Les équipes sont formées ; séance collective de travail
Quand les hackers sont nombreux (ici 250 au LA Hacks hébergé par l'Université de Californie), ils doivent faire preuve de discipline pour ne pas être trop bruyant ou gênant pour les autres (ceux qui dorment notamment)
Programmeurs au travail (les groupes peuvent être isolés au calme pour mieux se concentrer, puis périodiquement échanger sur leurs avancées ou difficultés
Un juste équilibre est à trouver entre les temps de concentration personnelle et d'échanges, tous deux sources de créativité
Un hackathon est parfois entrecoupé de deux ou trois séances collectives ou de détente (ici : Hackathon hackNY, créé en 2010 pour fédérer une communauté innovante de hackers à New York, coorganisé par des professeurs des universités NYU et de Columbia ; ici au printemps 2013)
Équipe présentant son projet
Souvent le projet ne se termine pas avec la remise de prix, mais il continue à se développer

Un hackathon, marathon de programmation[1],[2] ou programmathon[1] est un événement durant lequel des groupes de développeurs volontaires se réunissent pendant une période de temps donnée afin de travailler sur des projets de programmation informatique de manière collaborative. C'est un processus créatif aux objectifs larges et variés souvent axés sur la proposition de solutions informatiques innovantes, l'amélioration de logiciels existants ou la conception de nouvelles applications dans le domaine des technologies numériques[3].

Histoire du mot et du concept[modifier | modifier le code]

Le terme est un mot-valise constitué de hack et marathon. La référence au « Marathon » se justifie par le travail sans interruption des développeurs pendant deux jours, généralement lors d'un week-end[4].

Le hackathon est à l'origine un rassemblement de développeurs, généralement organisés en équipe, par ou autour d'un ou plusieurs porteur(s) de projet avec l’objectif commun de tester une idée et de produire un prototype d'application en quelques heures (principe du prototypage rapide)[3]. Sous forme de concours chronométré, l'équipe gagnante est généralement désignée par un jury à l’issue du temps imparti.

Il s'inscrit généralement dans des perspectives de coconception, d'économie du partage et de l'économie collaborative[5], avec parfois une dimension artistique qui s'expriment dans ses aspects créatifs et parfois de design d'objet[6] et parfois d'éducation au design collaboratif, éventuellement détournés par des entreprises[7].

La méthode est souvent réutilisée par des entreprises et autres entités commerciales[8] (ex: Markathon[9], un Choreograthon[10]...) et constitue ainsi une alternative aux méthodes classiques de développement du système d'information en interne ou d'appel d'offre de prestations.

Déroulement type[modifier | modifier le code]

L'événement a souvent lieu le weekend (pour permettre aux travailleurs salariés ou indépendants de se rendre plus facilement disponibles). Il peut être organisé par une école, une société, une administration (Ministère, Région, Commune...)[11].

Il est préparé par une équipe et peut avoir été précédé d'une veille technologique, d'un idéathon ou simplement d'un moment de préparation des idées, objectifs et de la méthode.

Le vendredi soir :

  • Inputs : Présentation des données et moyens utilisables, des idées directrices ou objectifs recherchés (« pitch ») par les porteurs de projets ;
  • Vote des participants (ceux qui vont développer) pour retenir un nombre de projets proportionnel au nombre de présents, chaque projet retenu devant disposer d’au moins deux ou trois développeurs / designers. Parfois des formateurs ou des experts-invités (special guest) sont mis à disposition ou des techniques de créativité sont encouragées ("Fly on the wall", «Graffiti Wall», techniques "Immersives"..)
  • Constitution des équipes, et développement (pendant environ 48 heures). Parfois des observateurs/médiateurs peuvent intervenir, rappeler le rôle des brise-glace, des leaders et du travail d'équipe.

Le dimanche soir :

  • Démonstration des prototypes de tout ou partie du projet devant un jury de spécialistes (et parfois avec avis des autres équipes et d'un public invité) ;
  • Remise des prix

Aucune règle établie ne régit ce type d’événement. Cependant, chaque fois s’y retrouvent ces points essentiels :

  • choix des projets par ceux qui le réalisent ;
  • délai de réalisation très court
  • dynamique de groupe[12],[13] et enjeu d'émulation ou de compétition ;
  • obligation de produire un prototype qui fonctionne.

Valeurs[modifier | modifier le code]

La « philosophie » du hackathon prend sa source dans les idées des communautés de développeurs du mouvement Free/Libre Open Source Software. Que ce soit au travers d’événements festifs tels que le Burning Man, ou plus studieux comme les barCamps, l’esprit communautaire est entretenu par le jeu consistant à relever des défis en équipe (émulation), et par le partage d'un jargon technique, d'une expertise voire d'un mode de vie particulier. Le hackathon est aussi une « plate-forme d'apprentissage » (par et avec les pairs[14]) plus ou moins « informelle »[15], un lieu où l'on apprend en créant et où l'on entretient un « savoir informel »[16],[17] ; L’expérimentation, et la sérendipité sont également très présentes dans ce type de manifestation.

L’ouverture est un héritage direct de l’esprit de l'open source. Elle se décline de plusieurs manières et notamment à travers l’entraide pendant le concours, où les échanges entre compétiteurs sont nombreux, facilités par la proximité, voire la promiscuité du lieu et une ambiance souvent festive. Au bout du compte, le résultat n’a pas plus d’importance que la course elle-même.

Le mérite est le principal moteur des participants à cette course. Les développeurs sont des auteurs compositeurs (au sens le plus large de l'expression). À ce titre, ils cherchent principalement la reconnaissance des pairs, à même de juger la qualité du travail accompli, avant celle d’un public, partiellement profane.

L'esprit d'émulation et la vitesse sont deux caractéristiques déterminantes de l’organisation. Le délai de réalisation extrêmement court introduit un stress positif dans les équipes. Il focalise les participants sur le résultat final. Il exclut tout ce qui pourrait retarder la réalisation : études de faisabilité, discussions stériles. Dans la prise de décisions, il redonne une place importante à l’instinct et contribue à maintenir la concentration des développeurs sur les tâches essentielles au fonctionnement général du projet. En imposant le travail de nuit, il confère un caractère exceptionnel à l’événement, renforçant probablement le plaisir d’y participer.

Selon Gerard Briscoe, et al. (2014) le hackathon est « beaucoup plus intense que tout autre événement de réseautage » [3] ; Briscoe et ses collègues ajoutent que c'est certes un lieu de prototypage de projets concrets, mais c'est tout autant « aussi un exercice de prototypage de nouvelles relations de travail et/ou de collaborations personnelles pour les participants », et donc « une occasion unique de réseautage », « souvent à échelle internationale »[3].

La littérature disponible les cite de plus en plus souvent comme sources avérée de l'innovation[18] et de développement d'une nouvelle forme d'« entrepreunariat citoyen »[19]

Recherche[modifier | modifier le code]

Le Hackathon, en tant que phénomène émergent où se croisent et se forment des expertises en design, créativité, informatique, data, industrie... est aussi devenu un sujet de science sociale et de recherche[3].

Selon Gerard Briscoe, et al. (2014) des travaux mériteraient de porter sur le caractère souvent très « masculin » de ces événements ; on ne sait pas encore s'il découle de problèmes généraux d'inclusivité des deux genres dans la société, ou de problèmes plus spécifiques aux domaines de l'informatique[20], des technologies, de la participation aux sciences informatiques[3].

Gerard Briscoe, et al. (2014) suggèrent également de mieux étudier comment le bien commun (ressources diverses et biens culturels), au cœur de la culture des hackers est utilisé et valorisé par certains hackathons centrés sur des sujets culturels (« Culture Hacks » pour les anglophones)[3].

Limites ou approches critiques[modifier | modifier le code]

Une limite intrinsèque est le manque de temps qui peut empêcher le prototypage des projets trop complexes. Mais le hackathon est souvent aussi un lieu et un moment où de tels projets (de plus long terme) peuvent naître, éventuellement ensuite portés par les interlocuteurs qui s'y sont rencontrés.

Il lui est parfois reproché d'être (notamment en contexte d'austérité) un moyen d'enrôler ou de faire travailler des gens sans les payer et d'exploiter leur créativité au profit d'innovations éventuellement "récupérées" ou brevetées pour en tirer d'éventuels bénéfices financiers[21],[22]. C'est une des raisons qui font que certains participants apprécient que le résultat de leurs travaux soit ensuite disponible en open source et open data, afin qu'il reste dans le bien commun. La question de la propriété intellectuelle d'innovations ainsi produites en commun n'est pas toujours abordée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Commission d’enrichissement de la langue française, « marathon de programmation », sur FranceTerme, ministère de la Culture (consulté le ).
  2. Office québécois de la langue française, « Fiche terminologique », sur gdt.oqlf.gouv.qc.ca.
  3. a b c d e f et g (en) Gerard Briscoe et Catherine Mulligan, « Digital innovation: The hackathon phenomenon » [PDF], sur CreativeWorks London, (consulté le ).
  4. Lucie Ronfaut, « Comment le «hackathon» réinvente l'innovation en entreprise », Le Figaro,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  5. Richardson, L. (2015). Performing the sharing economy. Geoforum, 67, 121-129
  6. Arrigoni, G., & Schofield, T. Understanding Artistic Prototypes Between Activism and Research. Skyler and Bliss Original Citation Adkins, Monty and Segretier, Laurent (2015) Skyler and Bliss. In: xCoAx 2015: Proceedings of the Third Conferenc on Computation, Communication, Aesthetics and X. Universidade do Porto, Porto, 24.
  7. Page F, Sweeney S, Bruce F & Baxter S (2016) The use of the hackathon in design education : An opportunistic exploration. In DS 83: Proceedings of the 18th International Conference on Engineering and Product Design Education (E&PDE16), Design Education: Collaboration and Cross-Disciplinarity, Aalborg, Denmark, 8th-9th September 2016|PDF|6pages.
  8. Munro D (2015) Hosting hackathons a tool in retaining students with beneficial side effects. Journal of Computing Sciences in Colleges, 30(5), 46-51 (résumé).
  9. M. Calco and A. Veeck. The Markathon: Adapting the Hackathon Model for an Introductory Marketing Class Project. Marketing Education Review, 2015
  10. Briscoe, G., Hon, J. X., & Creatives, B. Choreograthons: Hackathons for Dance Composition (résumé)
  11. « Concours - Hackathons », sur Programmez! (consulté le ).
  12. S. Hooper (1991) Effects of Group Composition on Achievement, Interaction & Learning Efficiency. ETRD, .
  13. Lederman O (2015) Hacking innovation-group dynamics in innovation teams (Doctoral dissertation, Massachusetts Institute of Technology).
  14. D. Boud, R. Cohen, and J. Sampson. Peer Learning in Higher Education: Learning from and With Each Other. Routledge, 2014.
  15. Nandi, A., & Mandernach, M. Hackathons as an Informal Learning Platform (résumé).
  16. F. Coffield. The Necessity of Informal Learning. Policy Press, 2000.
  17. J. Grimes et al. (2008), Robotics Competition: Providing Structure, Flexibility, and an Extensive Learning Experience. FIE, .
  18. Hilmar Lapp, Sendu Bala, James P Balho↵, Amy Bouck, Naohisa Goto, Mark Holder, Richard Holland, Alisha Holloway, Toshiaki Katayama, Paul O Lewis, et al. The 2006 nescent phyloinformatics hackathon : a field report. Evolutionary Bioinformatics Online, 3:287, 2007
  19. L. Irani (2015). Hackathons and the Making of Entrepreneurial Citizenship. Science, Technology & Human Values.
  20. L. Blum, C. Frieze, et al. A Cultural Perspective on Gender Diversity in Computing. SIGCSE, 2006
  21. Eben Moglen. Innovation under austerity (keynote). In F2C:Freedom to Connect, 2012.
  22. Erin Griffith, « Sociologists Examine Hackathons and See Exploitation », Wired,‎ (ISSN 1059-1028, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • J. A. Artiles and D. R. Wallace. Borrowing from Hackathons: Overnight Designathons as a Template for Creative Idea Hubs. WEEF, 2013.
  • Gordon-McKeon, S. (2013). Hacking the hackathon. Shaunagm. net.
  • Katayama, T., Arakawa, K., Nakao, M., Ono, K., Aoki-Kinoshita, K. F., Yamamoto, Y., ... & Aranda, B. (2010). The DBCLS BioHackathon: standardization and interoperability for bioinformatics web services and workflows. Journal of biomedical semantics, 1(1), 1 (résumé).
  • Hilmar Lapp, Sendu Bala, James P. Balhoff, et al. 2007. The 2006 NESCent Phyloinformatics Hackathon: A Field Report. Evolutionary Bioinformatics 3, 287–296.
  • Jones, G. M., Semel, B., & Le, A. (2015). “There's no rules. It's hackathon.”: Negotiating Commitment in a Context of Volatile Sociality. Journal of Linguistic Anthropology, 25(3), 322-345 (résumé).
  • Lapp, H., Bala, S., Balhoff, J. P., Bouck, A., Goto, N., Holder, M., ... & Mackey, A. J. (2007). The 2006 NESCent phyloinformatics hackathon: a field report. Evolutionary Bioinformatics Online, 3, 287.
  • Steven Leckart. 2015. The Hackathon Fast Track, From Campus to Silicon Valley. The New York Times. Retrieved May 11, 2015 from http://nyti.ms/1CawQxH
  • Steffen Möller, Enis Afgan, Michael Banck, et al. (2014). Community-driven development for computational biology at Sprints, Hackathons and Codefests. BMC Bioinformatics 15, Suppl 14, S7. http://doi.org/10.1186/1471-2105-15-S14-S7
  • Raatikainen, M., Komssi, M., Dal Bianco, V., Kindstom, K., & Jarvinen, J. (2013, July). Industrial experiences of organizing a hackathon to assess a device-centric cloud ecosystem. In Computer Software and Applications Conference (COMPSAC), 2013 IEEE 37th Annual (pp. 790-799). IEEE (résumé).
  • Steven Leckart. The hackathon is on: Pitching and programming the next killer app. Wired, 2012.
  • Tanenbaum, K., Tanenbaum, J. G., Williams, A. M., Ratto, M., Resch, G., & Gamba Bari, A. (2014, April). Critical making hackathon: situated hacking, surveillance and big data proposal. In CHI'14 Extended Abstracts on Human Factors in Computing Systems (pp. 17-20). ACM (résumé).
  • Toshiaki Katayama, Mark D. Wilkinson, Kiyoko F. Aoki-Kinoshita, et al. 2014. BioHackathon series in 2011 and 2012: penetration of ontology and linked data in life science domains. Journal of Biomedical Semantics 5, 5, 5. http://doi.org/10.1186/2041-1480-5- 5
  • Trainer, E. H., Chaihirunkarn, C., Kalyanasundaram, A., & Herbsleb, J. D. (2014, November). Community code engagements: summer of code & hackathons for community building in scientific software. In Proceedings of the 18th International Conference on Supporting Group Work (pp. 111-121). ACM.
  • Trainer, E. H., Kalyanasundaram, A., Chaihirunkarn, C., & Herbsleb, J. D. (2015). How to Hackathon: Socio-technical Tradeoffs in Brief, Intensive Collocation ; Institute for Software Research ; Carnegie Mellon University.
  • Erik H. Trainer, Chalalai Chaihirunkarn, Arun Kalyanasundaram, and James D. Herbsleb. 2014. Community Code Engagements: Summer of Code & Hackathons for Community Building in Scientific Software. Proceedings of the ACM Conference on Supporting Group Work, ACM Press, 111–121. http://doi.org/10.1145/2660398.2660420