Nombre de Mersenne premier

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Le moine français Marin Mersenne (1588-1648)

En mathématiques et plus précisément en arithmétique, un nombre de Mersenne est un nombre de la forme 2n − 1 (souvent[1] noté Mn), où n est un entier naturel non nul ; un nombre de Mersenne premier (ou nombre premier de Mersenne) est donc un nombre premier de cette forme. Ces nombres doivent leur nom au religieux érudit et mathématicien français du XVIIe siècle Marin Mersenne ; mais, près de 2 000 ans auparavant, Euclide les utilisait déjà pour étudier les nombres parfaits. Avant Mersenne, et même un certain temps après lui, la recherche des nombres de Mersenne premiers est intrinsèquement liée à celle des nombres parfaits.

Si le nombre de Mersenne 2n − 1 est premier, alors n est premier. Par exemple, les nombres de Mersenne 22 − 1 = 3, 23 − 1 = 7 sont premiers, et leurs exposants 2, 3 le sont bien aussi. Cette condition que n soit premier est nécessaire pour que le nombre de Mersenne 2n − 1 soit premier. Par exemple, 1, 4 ne sont pas premiers, et les nombres de Mersenne 21 − 1 = 1, 24 − 1 = 15 = 3 × 5 ne le sont effectivement pas. Mais cette condition n'est pas suffisante. Par exemple, 11 est premier, mais le nombre de Mersenne 211 – 1 = 2 047 = 23 × 89 ne l'est pas.

Il existe un test de primalité efficace pour les nombres de Mersenne, le test de primalité de Lucas-Lehmer ; de ce fait, les plus grands nombres premiers connus sont des nombres de Mersenne. Les nombres de Mersenne premiers sont pourtant rares : seulement 51 sont connus début 2022. On ne sait même pas s'il en existe une infinité.

La recherche de grands nombres de Mersenne premiers fait l'objet d'un projet de calcul collaboratif, le projet GIMPS.

Nombres de Mersenne et nombres parfaits[modifier | modifier le code]

Les nombres premiers de Mersenne sont liés aux nombres parfaits, qui sont les nombres « égaux à la somme de leurs diviseurs stricts ». Historiquement, c'est cette connexion qui a motivé l'étude des nombres premiers de Mersenne. Dès le IVe siècle av. J.-C., Euclide démontrait que si M = 2p – 1 est un nombre premier, alors M(M + 1)/2 = 2p–1(2p – 1) est un nombre parfait. Deux millénaires plus tard, au XVIIIe siècle, Euler prouvait que tous les nombres parfaits pairs sont de cette forme. Par ailleurs, aucun nombre parfait impair n'est connu.

Propriétés des nombres de Mersenne[modifier | modifier le code]

Propriété fondamentale des nombres de Mersenne[modifier | modifier le code]

Soit n  ; si n n'est pas premier, alors le n-ième nombre de Mersenne (Mn = 2n – 1) n'est pas premier. En effet :

  • Si n = 1, alors Mn = 21 − 1 = 1.
  • Si n = kl est composé, alors Mn = 2kl − 1 est composé. En effet :
    • k > 1 et l > 1, donc kl > k, et donc 2kl − 1 > 2k − 1 > 1 ;
    • 2kl − 1 = (2k − 1)×(2k(l−1) + 2k(l−2) + ... + 2k×2 + 2k + 1).

Les deux plus petits exemples avec indices composés sont :
4 = 2 × 2, 6 = 2 × 3 sont composés, et M4 = 24 – 1 = 15 = 3 × 5, M6 = 26 – 1 = 63 = 32 × 7 sont bien composés.

Plus précisément :
2 divise 4, 6, et M2 = 3 divise bien M4 = 15, M6 = 63.

Autrement dit (contraposée) :
Soit n  ; si le n-ième nombre de Mersenne (Mn = 2n – 1) est premier, alors n est premier[2].

Les huit plus petits exemples sont :
M2 = 22 − 1 = 3, M3 = 23 − 1 = 7, M5 = 25 − 1 = 31, M7 = 27 − 1 = 127, M13 = 213 − 1 = 8 191, M17 = 217 − 1 = 131 071, M19 = 219 − 1 = 524 287, M31 = 231 − 1 = 2 147 483 647 (OEISA000668) sont premiers, et 2, 3, 5, 7, 13, 17, 19, 31 (OEISA000043) sont bien premiers.

La réciproque est fausse. En effet :
Soit n  ; même si n est premier, le n-ième nombre de Mersenne (Mn = 2n – 1) peut ne pas être premier.

Les trois plus petits contre-exemples sont :
11, 23, 29 (OEISA054723) sont premiers, mais M11 = 211 − 1 = 2 047 = 23 × 89, M23 = 223 − 1 = 8 388 607 = 47 × 178 481, M29 = 229 − 1 = 536 870 911 = 233 × 1 103 × 2 089 (OEISA065341) sont composés[3].

Conséquences :
Pour trouver des nombres de Mersenne premiers, on sait déjà qu'il faut se limiter à des Mp avec p premier, mais que ce n'est pas suffisant. Il faut ensuite affûter les critères de sélection des nombres premiers p.

Autres propriétés des nombres de Mersenne[modifier | modifier le code]

  • Ils constituent la suite des répunits en base 2.
  • Conséquence :
    Pour tous entiers m ≥ 1 et n ≥ 1, pgcd(Mm, Mn) = Mpgcd(m,n).
    En particulier, si m divise n, alors Mm divise Mn. Donc, si n n'est pas premier, alors Mn n'est pas premier.
Exemple :
pgcd(M4, M6) = pgcd(24 – 1, 26 – 1) = pgcd(15, 63) = 3 = 22 – 1 = M2 = Mpgcd(4,6).
  • Tous les nombres de Mersenne Mn ≥ 7, premiers ou composés, sont des nombres brésiliens. En effet :
    Mn = (111...111)2 avec n fois la présence du chiffre 1 dans l'écriture en base 2.
    Le nombre 7 est d'ailleurs le plus petit nombre brésilien.
  • D'après le test de primalité de Lucas-Lehmer pour les nombres de Mersenne, pour un nombre premier p impair, Mp est premier si et seulement si Mp divise Sp–1, où S1 = 4 et pour tout n ≥ 1, Sn+1 = Sn2 – 2.
Les six plus petits termes de cette suite de Lucas-Lehmer sont :
S1 = 4, S2 = 42 – 2 = 14, S3 = 142 – 2 = 194, S4 = 1942 – 2 = 37 634, S5 = 37 6342 − 2 = 1 416 317 954, S6 = 1 416 317 9542 – 2 = 2 005 956 546 822 746 114 (voir la suite A003010 de l'OEIS).
(M2 = 3 ne divise pas S1 = 4 mais 2 est pair, et M2 = 3 est bien premier.)
M3 = 7 divise S2 = 14 = 2 × 7, M5 = 31 divise S4 = 37 634 = 2 × 31 × 607, M7 = 127 divise S6 = 2 005 956 546 822 746 114 = 2 × 127 × 7 897 466 719 774 591, et M3 = 7, M5 = 31, M7 = 127 sont bien premiers.
M4 = 15 = 3 × 5 ne divise pas S3 = 194 = 2 × 97, M6 = 63 = 32 × 7 ne divise pas S5 = 1 416 317 954 = 2 × 708 158 977, et M4, M6 sont bien composés[3].
  • Si a divise Mp avec p premier impair, alors :
  • Un théorème d'Euler entraîne que pour q premier ≥ 5,
    Mq est premier si et seulement s'il existe un unique couple (x, y) d'entiers ≥ 1 tel que Mq = (2x)2 + 3(3y)2.
Exemples :
Pour M5 = 31 : q = 5 est premier ≥ 5 ; (2 × 1)2 + 3 (3 × 1)2 = 31 ; ni x ni y ne peut diminuer, donc ni y ni x ne peut augmenter ; donc il existe un unique couple (x, y) d'entiers ≥ 1 tel que (2 x)2 + 3 (3 y)2 = 31 (à savoir (1, 1)) ; et M5 = 31 est bien premier.
Pour M11 = 2 047 : q = 11 est premier ≥ 5 ; 2 047 est impair et (2 x)2 est pair, donc y doit être impair ; 2 047 − 3 (3 × 1)2 = 2 020 = 22 × 5 × 101, 2 047 − 3 (3 × 3)2 = 1 804 = 22 × 11 × 41, 2 047 − 3 (3 × 5)2 = 1 372 = 22 × 73, 2 047 − 3 (3 × 7)2 = 724 = 22 × 181 ne sont pas des carrés, et 2 047 − 3 (3 × 9)2 = –140 < 0 ; donc il n'existe aucun couple (x, y) d'entiers ≥ 1 tel que (2 x)2 + 3 (3 y)2 = 2 047 ; et M11 = 2 047 = 23 × 89 n'est effectivement pas premier.
(Bas Jansen[4] a étudié Mq = x2 + d·y2 pour d compris entre 0 et 48.)
Exemples :
7 = 3 + 1 × 4, 7 est premier, 2 × 7 + 1 = 15 = 3 × 5 ne divise pas M7 = 127, et 15 n'est effectivement pas aussi premier.
11 = 3 + 2 × 4, 11 est premier, 2 × 11 + 1 = 23 divise M11 = 2 047 = 23 × 89, et 23 est effectivement aussi premier.

Historique[modifier | modifier le code]

Historique des outils théoriques[modifier | modifier le code]

Marin Mersenne, moine de l'ordre des Minimes au début du XVIIe siècle, est l'auteur de la proposition : si Mn est premier, alors n aussi ; il l'aurait par ailleurs démontrée[7][Information douteuse],[8].

En 1732, Euler rappelle que la réciproque est fausse : Mp peut être composé alors que p est premier. Il donne le plus petit contre-exemple : 11 est premier mais M11 = 2 047 = 23 × 89 ne l'est pas[9]; il mentionne que c'est aussi le cas pour p = 23, 83, 131, 179, 191, et 239[9].

En 1878, Édouard Lucas développe une méthode pour tester si un nombre de Mersenne Mp (avec p premier) est premier. Dans les années 1930, Derrick Lehmer l'améliore. Le test de primalité de Lucas-Lehmer pour les nombres de Mersenne est exceptionnellement simple comparativement à la taille des nombres considérés. Grâce à ce test très rapide, depuis longtemps les plus grands nombres premiers connus sont des nombres premiers de Mersenne.

Historique des nombres de Mersenne premiers découverts[modifier | modifier le code]

Les quatre premiers nombres premiers de Mersenne sont connus dès l'Antiquité. Au XIIe siècle, Ibn Fallus donne une liste de nombres parfaits dans un commentaire de l'introduction à l'arithmétique de Nicomaque. On y trouve ceux correspondant aux cinquième, sixième, et septième nombres de Mersenne. Mais il ne fournit aucun calcul et sa liste comporte des erreurs, qui peuvent laisser penser qu'il s'est appuyé sur des hypothèses fausses ou insuffisantes, et n'a pas vérifié la primalité de ces nombres de Mersenne[10]. On trouve le cinquième (213 – 1) dans un manuscrit anonyme daté de 1456 ou 1461. Les deux suivants (217 – 1 et 219 – 1) sont donnés par Pietro Cataldi en 1588. Au début du XVIIe siècle, Marin Mersenne fournit une liste des nombres premiers « de Mersenne » jusqu’à l'exposant 257, qui se révélera fausse : elle inclut par erreur 67 et 257, et omet 61, 89, et 107[11].

En 1750, Euler vérifie que 231 – 1 est premier. Le suivant dans l'ordre chronologique (mais non numérique), 2127 – 1, est trouvé par Lucas en 1876 ; puis 261 – 1 est démontré premier par Ivan Pervouchine en 1883. Encore deux autres sont trouvés au début du XXe siècle par R. E. Powers (en) en 1911 et en 1914.

La recherche des nombres premiers de Mersenne est révolutionnée par l'utilisation des calculateurs électroniques. La première identification d'un nombre de Mersenne par ce moyen a lieu à 22 heures le par un ordinateur SWAC à l'Institut d'Analyse Numérique (Institute for Numerical Analysis) du campus de l'université de Californie à Los Angeles, sous la direction de Derrick Lehmer, avec un programme écrit par Raphael Robinson.

C'est le premier nombre premier de Mersenne identifié depuis 38 ans. Le suivant est découvert moins de deux heures plus tard par le même ordinateur, qui en trouve trois de plus dans les mois suivants.

En décembre 2018, 51 nombres premiers de Mersenne sont connus, le plus grand étant M82 589 933, qui est aussi à la même date le plus grand nombre premier connu[12]. Comme plusieurs de ses prédécesseurs, il est découvert par un calcul distribué sous l'égide du projet GIMPS, Great Internet Mersenne Prime Search (qui signifie « grande recherche par Internet de nombres premiers de Mersenne »).

Liste des nombres de Mersenne premiers connus[modifier | modifier le code]

On ne sait pas si l'ensemble des nombres de Mersenne premiers est fini ou infini (mais on conjecture qu’il est infini). En décembre 2018, 51 nombres de Mersenne premiers étaient connus[13] (suite OEISA000043 pour p, et suite OEISA000668 pour Mp).

Historiquement, ils ne furent pas toujours découverts par ordre croissant. Par exemple : en 1983 fut trouvé le 30e, M132 049 ; en 1988 fut trouvé le 29e, M110 503.

Liste des nombres premiers de Mersenne connus[14]
Rang p Mp Écriture de Mp
en base 10
Nombre
de chiffres
en base 10
Date de découverte Découvreur(s)
1 2 M2 3 1 Antiquité remarqué
(en tant que nombre premier)
par les mathématiciens grecs
2 3 M3 7 1
3 5 M5 31 2
4 7 M7 127 3
5 13 M13 8 191 4 XVe siècle manuscrit anonyme (1456 ou 1461)
6 17 M17 131 071 6 1588 Cataldi
7 19 M19 524 287 6 1588 Cataldi
8 31 M31 2 147 483 647 10 1750 Euler
9 61 M61 2 305 843 009 213 693 951 19 1883 Pervouchine
10 89 M89 618970019…449562111 27 1911 Powers (en)
11 107 M107 162259276…010288127 33 1914 Powers[15]
12 127 M127 170141183…884105727 39 1876 Lucas
13 521 M521 686479766…115057151 157 30 janvier 1952 Robinson (SWAC)
14 607 M607 531137992…031728127 183 30 janvier 1952 Robinson (SWAC)
15 1 279 M1279 104079321…168729087 386 25 juin 1952 Robinson (SWAC)
16 2 203 M2203 147597991…697771007 664 7 octobre 1952 Robinson (SWAC)
17 2 281 M2281 446087557…132836351 687 9 octobre 1952 Robinson (SWAC)
18 3 217 M3217 259117086…909315071 969 8 septembre 1957 Riesel (BESK (en))
19 4 253 M4253 190797007…350484991 1 281 3 novembre 1961 Hurwitz (IBM)
20 4 423 M4423 285542542…608580607 1 332 3 novembre 1961 Hurwitz (IBM)
21 9 689 M9689 478220278…225754111 2 917 11 mai 1963 Gillies (en) (ILLIAC II)
22 9 941 M9941 346088282…789463551 2 993 16 mai 1963 Gillies (ILLIAC II)
23 11 213 M11213 281411201…696392191 3 376 2 juin 1963 Gillies (ILLIAC II)
24 19 937 M19937 431542479…968041471 6 002 4 mars 1971 Tuckerman (IBM)
25 21 701 M21701 448679166…511882751 6 533 30 octobre 1978 Noll (en) et Nickel (CDC)
26 23 209 M23209 402874115…779264511 6 987 9 février 1979 Noll (CDC)
27 44 497 M44497 854509824…011228671 13 395 8 avril 1979 Nelson (en) et Slowinski (en)
(Cray Research)
28 86 243 M86243 536927995…433438207 25 962 25 septembre 1982 Slowinski (Cray)
29 110 503 M110503 521928313…465515007 33 265 28 janvier 1988 Colquitt et Welsh (NEC)
30 132 049 M132049 512740276…730061311 39 751 19 septembre 1983 Slowinski (Cray)
31 216 091 M216091 746093103…815528447 65 050 1er septembre 1985 Slowinski (Cray)
32 756 839 M756839 174135906…544677887 227 832 19 février 1992 Slowinski et Gage
33 859 433 M859433 129498125…500142591 258 716 10 janvier 1994 Slowinski et Gage
34 1 257 787 M1257787 412245773…089366527 378 632 3 septembre 1996 Slowinski et Gage
35 1 398 269 M1398269 814717564…451315711 420 921 13 novembre 1996 GIMPS / Joel Armengaud
36 2 976 221 M2976221 623340076…729201151 895 932 24 août 1997 GIMPS / Gordon Spence
37 3 021 377 M3021377 127411683…024694271 909 526 27 janvier 1998 GIMPS / Roland Clarkson
38 6 972 593 M6972593 437075744…924193791 2 098 960 1er juin 1999 GIMPS / Nayan Hajratwala
39 13 466 917 M13466917 924947738…256259071 4 053 946 14 novembre 2001 GIMPS / Michael Cameron
40[16] 20 996 011 M20996011 125976895…855682047 6 320 430 17 novembre 2003 GIMPS / Michael Shafer
41[17] 24 036 583 M24036583 299410429…733969407 7 235 733 15 mai 2004 GIMPS / Josh Findley
42[18] 25 964 951 M25964951 122164630…577077247 7 816 230 18 février 2005[19] GIMPS / Martin Nowak
43[20] 30 402 457 M30402457 315416475…652943871 9 152 052 15 décembre 2005 GIMPS / Cooper et Boone
44[21] 32 582 657 M32582657 124575026…053967871 9 808 358 4 septembre 2006 GIMPS / Cooper et Boone
45[22] 37 156 667 M37156667 202254405…308220927 11 185 272 6 septembre 2008 GIMPS / Elvenich
46[23] 42 643 801 M42643801 169873516…562314751 12 837 064 12 avril 2009 GIMPS / Odd Magnar Strindmo
47[24] 43 112 609 M43112609 316470269…697152511 12 978 189 23 août 2008 GIMPS / Smith
48[25] 57 885 161 M57885161 581887266…724285951 17 425 170 25 janvier 2013 GIMPS / Cooper
49 ?[13] 74 207 281 M74207281 300376418…086436351 22 338 618 7 janvier 2016 GIMPS / Cooper
50 ?[12] 77 232 917 M77232917 467333183...762179071 23 249 425 3 janvier 2018 GIMPS / Jonathan Pace
51 ?[26] 82 589 933 M82589933 148894445...217902591 24 862 048 7 décembre 2018 GIMPS / Patrick Laroche

Liste de nombres de Mersenne non premiers mais d'indices premiers[modifier | modifier le code]

Les neuf plus petits nombres de Mersenne non premiers mais d'indices premiers (venant s'intercaler entre les 1er et 9e nombres de Mersenne premiers, connus à la fin du XIXe siècle) sont :

No  p
(suite A054723 de l'OEIS)
Mp Écriture de Mp
en base 10
(suite A065341 de l'OEIS)
Nombre
de chiffres
en base 10
Décomposition[3]
1 11 M11 2 047 4 23 × 89
2 23 M23 8 388 607 7 47 × 178 481
3 29 M29 536 870 911 9 233 × 1 103 × 2 089
4 37 M37 137 438 953 471 12 223 × 616 318 177
5 41 M41 2 199 023 255 551 13 13 367 × 164 511 353
6 43 M43 8 796 093 022 207 13 431 × 9 719 × 2 099 863
7 47 M47 140 737 488 355 327 15 2 351 × 4 513 × 13 264 529
8 53 M53 9 007 199 254 740 991 16 6 361 × 69 431 × 20 394 401
9 59 M59 576 460 752 303 423 487 18 179 951 × 3 203 431 780 337

Le 10e nombre de Mersenne non premier mais d'indice premier, M67 = 147 573 952 589 676 412 927, figurait dans la liste originelle de Mersenne ; mais Lucas montra en 1876 que ce nombre n'est pas premier, sans toutefois pouvoir exhiber ses facteurs. La factorisation M67 = 193 707 721 × 761 838 257 287 fut déterminée par Frank Nelson Cole en 1903[27].

Généralisations[modifier | modifier le code]

Suite de Lucas[modifier | modifier le code]

Les nombres de Mersenne (premiers ou non) sont les répunits en base 2. La suite des répunits en base b est la suite de Lucas U(b + 1, b). Or toute suite de Lucas U(P, Q) avec P et Q premiers entre eux est à divisibilité forte. Par le même raisonnement que pour la suite des nombres de Mersenne (voir supra), une condition nécessaire (mais non suffisante) pour que le n-ième terme d'une telle suite soit premier est donc que n le soit également.

Nombres premiers de Solinas[modifier | modifier le code]

Les nombres premiers de Solinas[28] sont les nombres premiers de la forme p = f(2k) où f est un polynôme unitaire à coefficients entiers[29] de faible « poids de réduction modulaire » (une condition technique destinée à ce que les calculs de réduction modulo p soient rapides et qui, pour simplifier, est parfois remplacée par : les coefficients non nuls de f sont peu nombreux et valent ±1[30],[31],[32]). Solinas[28] donne une série d'exemples, dont le premier est f(t) = t – 1, de « poids » 1 (qui correspond aux nombres de Mersenne) et le dernier est f(t) = t4t3 + t2 + 1, de « poids » 4, mais qui inclut aussi f(t) = tdtd–1 + td–2 – … + (–1)d, de « poids » 3.

Nombres premiers dont l'écriture n'utilise pas un chiffre donné[modifier | modifier le code]

Puisque les nombres de Mersenne sont les répunits en base 2, leur écriture binaire ne comporte aucun 0. De manière analogue, on peut étudier dans les bases supérieures les nombres premiers dont l'écriture est dépourvue d'un certain chiffre[33]. Il a été prouvé en 2019 qu'il existe une infinité de nombres premiers dont le développement en base 10 ne comporte pas l'un quelconque des chiffres de 0 à 9[34].

Répartition des nombres de Mersenne premiers[modifier | modifier le code]

Les nombres de Mersenne premiers sont rares. On ne sait pas s'il en existe une infinité. Une conjecture est que le nombre de ceux qui sont inférieurs à un réel x donné est asymptotiquement proportionnel à ln (ln x), soit une croissance très lente et de plus en plus lente[35]. Plus précisément, selon une conjecture due à Lenstra et Pomerance, puis reformulée et complétée par Wagstaff, il y aurait asymptotiquement eγ/ln 2 ln (ln x) nombres de Mersenne premiers inférieurs à x[35].

Si la conjecture était réalisée, le nombre c(t) d'exposants p inférieurs à t tels que 2p – 1 est premier serait asymptotiquement proportionnel à ln t. Une estimation fondée sur les 51 nombres premiers connus en mars 2022 donne c(t) = 2,50508 ln t[1].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Eric W. Weisstein, « Mersenne Prime », sur MathWorld.
  2. De façon générale :
    Soient a > 1 et n > 1 ; si an − 1 est premier, alors a = 2 et n est premier. En effet :
    • Si a > 2, alors an − 1 > a − 1 > 1 ; or a − 1 divise an − 1 : absurde. Donc a = 2.
    • Si n = kl, alors 2k – 1 divise 2n − 1 : absurde. Donc n est premier.
      (en) G. H. Hardy et E. M. Wright, An introduction to the theory of numbers, University Press, Oxford, Oxford at the Clarendon Press, (ISBN 0-19-853310-1), p.15.
  3. a b et c « Décomposition en Facteurs Premiers - Factorisation en Ligne », sur www.dcode.fr (consulté le )
  4. (en) B. Jansen, On Mersenne primes of the form x2 + d·y2 (2002), thèse.
  5. (en) Chris Caldwell, « Proof of a result of Euler and Lagrange on Mersenne Divisors », sur Prime Pages' list of proofs.
  6. (en) P. Erdős, « On arithmetical properties of Lambert series », J. Indian Math. Soc., vol. 12,‎ , p. 63–66 (lire en ligne).
  7. Roger Beslan, Daniel Lignon, Les maths : cent théorèmes, Le Polygraphe éditeur, 2008, 176 pages. Illustrations : Pascal Jousselin (ISBN 978-2-909051-38-3).
  8. Voir cependant (en) Leonard Eugene Dickson, History of the Theory of Numbers (en) [détail des éditions], vol. 1, p. 12, note 59.
  9. a et b E26, informations sur la publication.
  10. Roshdi Rashed, « Ibn al-haytham et les nombres parfaits », Historia Mathematica, vol. 16, no 4,‎ , p. 343–352 (ISSN 0315-0860, DOI 10.1016/0315-0860(89)90081-5, lire en ligne), p. 349-350.
  11. (en) Raymond Clare Archibald, « Mersenne's Numbers », Scripta Mathematica, vol. 3,‎ , p. 112-119 (lire en ligne).
  12. a et b (en) « GIMPS Project Discovers Largest Known Prime Number: 282 589 933 – 1 », sur GIMPS, .
  13. a et b On ne sait pas s'il existe ou non un ou plusieurs autres nombres de Mersenne premiers, entre le 48e (M57 885 161) et le 49e (M74 207 281). Dans cet intervalle, le classement est donc provisoire. Néanmoins, tous les exposants inférieurs au 50e ont été testés au moins une fois ; il est donc probable que le classement est exact. Notons que le 29e nombre premier de Mersenne fut découvert après le 30e et le 31e, de même que M43 112 609 fut découvert quinze jours avant M37 156 667, plus petit. De même, le 46e (M42 643 801) a été découvert neuf mois après le 47e (M43 112 609).
  14. (en) « List of Known Mersenne Prime Numbers », sur GIMPS.
  15. (en) Chris Caldwell, « M107: Fauquembergue or Powers? », sur Prime Pages.
  16. Prouvé le 11 juillet 2010 comme étant bien le 40e, c'est-à-dire qu'il n'y pas d'autre nombre de Mersenne entre le 39e et celui-ci — voir (en) « Older and lower profile GIMPS Milestones ».
  17. Prouvé le premier décembre 2011 comme étant bien le 41e. Voir GIMPS Milestones.
  18. Prouvé le 20 décembre 2012 comme étant bien le 42e. Voir GIMPS Milestones.
  19. (en) Eric W. Weisstein, « 42nd Mersenne Prime Found », sur MathWorld Headline News, .
  20. Prouvé le 23 février 2014 comme étant bien le 43e. Voir GIMPS Milestones.
  21. Prouvé le 8 novembre 2014 comme étant bien le 44e. Voir GIMPS Milestones.
  22. Prouvé le 2 septembre 2016 comme étant bien le 45e. Voir GIMPS Milestones.
  23. Prouvé le 22 février 2018 comme étant bien le 46e. Voir GIMPS Milestones.
  24. Prouvé le 8 avril 2018 comme étant bien le 47e. Voir GIMPS Milestones.
  25. Prouvé le 6 octobre 2021 comme étant bien le 48e. Voir GIMPS Milestones.
  26. (en) « M82589933 Invalid entry », sur mersenne.org (consulté le ).
  27. N Gridgeman, « The search for perfect numbers », New Scientist, no 334,‎ , p. 86–88 (lire en ligne)
  28. a et b (en) Jerome A. Solinas, « Generalized Mersenne numbers — Technical Report CORR 99-39 », Center for Applied Cryptographic Research, University of Waterloo, .
  29. La suite OEISA165255 de l'OEIS, créée en septembre 2009 à la suite d'une interprétation hâtive (sur Wikipédia en anglais) de l'article de Solinas, donne, sous le nom de « Solinas primes », une liste de nombres premiers de la forme 2a ± 2b ± 1, où 0 < b < a. Cette définition est reprise dans des publications ultérieures.
  30. (en) N. Koblitz et A. Menezes, « Cryptography at high security levels », dans Nigel Paul Smart, Cryptography and Coding: 10th IMA International Conference Proceedings, Springer, (lire en ligne), p. 13-36.
  31. (en) José de Jesús Angel Angel et Guillermo Morales-Luna, « Counting Prime Numbers with Short Binary Signed Representation », sur IACR Cryptology ePrint Archive, .
  32. Ou encore : « f(t) is a low-degree polynomial with small integer coefficients », (en) J. A. Solinas, « Generalized Mersenne Prime », dans Encyclopedia of Cryptography and Security, , 2e éd. (1re éd. 2005), p. 509-510.
  33. (en) [vidéo] Numberphile, Primes without a 7 sur YouTube.
  34. (en) James Maynard, « Primes with restricted digits », Inventiones mathematicae, vol. 217, no 1,‎ , p. 127-218 (DOI 10.1007/s00222-019-00865-6, arXiv 1604.01041, lire en ligne).
  35. a et b (en) Chris K. Caldwell, « Heuristics Model for the Distribution of Mersennes », sur The PrimePages: prime number research & records, University Tennessee at Martin

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]